Origine sociale et carrière : des inégalités qui s’accentuent

L’ascenseur social est-il en panne ? C’est pourtant ce que semble nous dévoiler les différentes études menées sur le sujet. De l’accès à la formation au processus de recrutement dans les organisations, les salariés bénéficiant d’une origine sociale modeste voient leurs chances d’accéder aux hautes études et à des postes prestigieux s’amenuiser d’année en année.

Si l’ensemble des élèves vont jusqu’à la fin de la troisième, sans distinction de classe sociale, c’est à l’arrivée au lycée que se confirme le creusement des inégalités. Quand au collège les enfants de cadres et ceux d’ouvriers représentent une même proportion de l’ensemble des élèves (23%), les seconds deviennent surreprésentés à l’issue du brevet dans les filières professionnelles et techniques. En première et terminale générale, on dénombre deux fois plus d’enfants de cadres supérieurs (36%) que d’ouvriers (15%). [1]

Cette tendance se poursuit dans l’enseignement supérieur où les enfants d’ouvriers ne forment que 10% des étudiants à l’université, 7% dans les classes préparatoires aux grandes écoles et 2% des élèves des écoles normales supérieures. Les enfants de cadres représentent quant à eux respectivement 33%, 53% et 63%. 

Un déterminisme social qui s’accentue encore lors du recrutement.

90% des candidats estiment en effet que l’origine sociale peut impacter le déroulé de carrière. Les inégalités débutent en amont de l’entretien de recrutement. 47% des candidats estiment que le moment ou le critère de l’origine sociale est le plus impactant se trouve lors de l’examen du CV. [2] 

Le patronyme, la photographie, le lieu d’habitation ou la scolarité .. Autant d’informations pouvant biaiser le jugement du recruteur, de manière consciente ou non. La culture du diplôme, impacte de fait les candidats issus de milieu modeste.

Ces éléments qui ne traduisent pas directement les compétences du candidat, se poursuivent lors du premier entretien de recrutement, ou seulement 7% de ce qui est dit verbalement est retenu. D’autres facteurs tels que la façon de s’habiller ou la manière de s’exprimer peuvent ainsi influencer la décision.

Les « soft skills » sont des compétences comportementales qui comprennent le savoir-être et les compétences relationnelles, mais aussi la manière de s’exprimer. En effet, grandir au sein d’un milieu intellectuel ou aisé permet d’acquérir des codes sociaux et la « culture légitime » susceptibles de faire la différence lors de la décision de recrutement finale. Les candidats issus de milieux sociaux modestes seront davantage soumis aux stéréotypes des recruteurs. A contrario, les candidats ayant effectué leurs études au sein d’une école de commerce ou d’une grande école pourront faire jouer leur réseau pour bénéficier de la cooptation. 

Autocensure, manque d’informations sur les différentes voies professionnelles et de rôles modèles familiaux, concurrence inégale avec les candidats des couches sociales plus aisées… Autant de facteurs déterminants qui vont accroître les difficultés rencontrées par les personnes issues de milieux défavorisés. 

Quelques bonnes pratiques pour réduire les discriminations liées à l’origine sociale

L’entreprise, en repensant sa stratégie RH et en opérant des transformations organisationnelles peut contribuer à l’inclusion de ce public. Voici quelques exemples :

  1. Former les recruteurs et les managers aux discriminations dans l’emploi

La déconstruction des stéréotypes et des biais cognitifs est essentielle à mener auprès des salariés en charge du recrutement. La connaissance du cadre légal et des critères de discrimination définis par la loi réduira les occasions de discriminer dans l’embauche mais également tout au long de la carrière professionnelle. Enfin, des connaissances sur les déterminismes sociaux pourront inciter les personnes décisionnaires à appréhender de manière plus équitable les profils qui s’offrent à eux. 

  1. Rationnaliser les pratiques de recrutement et les décisions managériales

Par la mise en place d’outils tels que des fiches de poste type, un référentiel de compétence ou une grille de sélection de CV, l’acte de recrutement ou d’évolution de carrière sera moins soumis à des stéréotypes et des choix basés sur des critères non objectifs. Le but est de prendre des décisions objectives uniquement basées sur les compétences, avec des tests d’aptitudes ou des mises en situation. Questionner également la cuture du CV, et s’intéresser également aux profils qui ne sont pas issus des grandes écoles. 

  1. Privilégier l’action positive

En diversifiant les canaux d’envoi des fiches de poste (différents jobboards, associations pour l’emploi des personnes venant des Quartiers Prioritaires de la Ville…), vous permettez à des populations éloignées de l’emploi d’être captées par votre structure. 

  1. Acculturer les nouveaux salariés à la non-discrimination

Lors du parcours d’intégration, communiquez les valeurs de votre entreprise aux nouveaux entrants en établissant une culture commune, basée sur le principe d’équité des chances. Une direction qui est convaincue par l’importance de ces politiques, c’est un message d’inclusion envoyé aux salariés et aux futurs candidats, qui deviendront eux-mêmes des ambassadeurs de la lutte contre toute discrimination.

Pour finir, n’hésitez pas à vous mettre à l’écoute de l’expérience des personnes concernées par une ou plusieurs discriminations, à vous entourer d’associations et d’entreprises externes spécialistes des différentes thématiques de la diversité.  

[1] Ministère de l’Éducation nationale – Données 2021-2022 – © Observatoire des inégalités

[2] Etude sur l’impact de l’origine sociale sur le parcours professionnel, A compétences Egales 2021

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