Le Mois des Fiertés, au fil des ans, est devenu un temps fort de mobilisation dans les entreprises françaises. Drapeaux arc-en-ciel, conférences, portraits de collaborateurs LGBT+ : les initiatives se multiplient…
Pourtant, l’intégration des personnes LGBT+ dans le monde professionnel semble avoir atteint ses limites, selon une enquête publiée le 11 juin, par le cabinet Boston Consulting Group (BCG) en partenariat avec le magazine Têtu, laquelle alerte sur “le risque d’un retour en arrière”.
« Depuis 2015, nous observions une amélioration continue du sentiment d’inclusion. Mais en 2025, non seulement nous n’avons pas retrouvé les niveaux pré-Covid, mais la tendance s’inverse », alerte Thomas Delano, directeur associé chez BCG.
Entre visibilité et vulnérabilité
En 2025, seuls 48 % des salariés se déclarant LGBT+ affirment avoir fait leur « coming out » auprès de l’ensemble de leurs collègues. Ce chiffre est en recul par rapport à 2018, où ils étaient 54 % à l’avoir fait, d’après ce sondage mené en ligne entre le 17 et le 25 mars, auprès d’un panel de 1 000 personnes dont 75 % sont LGBT+.
Entre 2021 et 2025, la proportion des personnes interrogées qui ont “déjà caché ou volontairement omis” de mentionner leur orientation sexuelle ou identité de genre dans un cadre professionnel a légèrement progressé. Elle est passée de 28 % à 29 % face à un supérieur hiérarchique, de 34 % à 45 % vis-à-vis de collègues, et de 26 % à 35 % lorsqu’il s’agit de clients de l’entreprise. 30 % perçoivent encore leur visibilité comme un désavantage professionnel.
Malgré ces freins, l’étude souligne que les LGBT+ sont plus nombreux qu’en 2020 à parler ouvertement du genre de leur partenaire dans une conversation informelle avec leur manager : 59 % le font sans difficulté en 2025, contre 53 % cinq ans plus tôt.
Par ailleurs, 66 % des personnes LGBT+ affirment aujourd’hui assumer leur orientation sexuelle sans tenir compte des valeurs prônées par leur employeur, soit une augmentation de 9 points depuis 2021.
Près de la moitié des salariés déclarent travailler dans une entreprise qui a mis en place des politiques favorisant le recrutement de profils LGBT+, un chiffre en nette progression (+29 points en quatre ans). De plus, 56 % des répondants déclarent que leur entreprise soutient la visibilité des personnes LGBT+, soit une hausse de 21 points.
Un climat moins sûr
13 % des personnes interrogées constatent une dégradation du climat dans leur entreprise depuis le début de l’année. « De nombreuses entreprises deviennent plus silencieuses sur ces sujets, ce qui bride les prises de parole internes », observe Thomas Delano, Directeur associé chez BCG.
En France, les mentalités reculent. En 2025 :
- 61 % estiment que les personnes LGBT+ devraient avoir les mêmes droits que les autres, contre 72 % en 2021
- Le soutien au mariage pour tous passe de 68 % à 63 %.
Là où les politiques de Diversité & Inclusion (D&I) sont actives, le contraste est frappant : 94 % des LGBT+ s’y sentent à l’aise pour s’exprimer, contre seulement 62 % dans les entreprises les moins engagées. « Le silence invisibilise les minorités », rappelle Thomas Delano.
L’enjeu est aussi économique : les entreprises inclusives fidélisent mieux leurs talents. « Plus un salarié évolue dans un environnement sûr, plus il s’investit et performe », conclut-il.
La parentalité LGBT+ encore taboue
Le baromètre met aussi en lumière un sujet sensible : la parentalité. En 2025, 65 % des LGBT+ sont parents ou envisagent de le devenir, mais 32 % évitent d’en parler au travail.
- 21 % ont rencontré des difficultés à faire reconnaître leur statut parental
- 16 % ont renoncé à prendre un congé parental
- Dans l’opinion publique, seuls 55 % soutiennent le droit à l’adoption pour les couples LGBT+, contre 66 % en 2021.
Visibilité restreinte en entreprise, rejet persistant dans la société
Les freins à la visibilité des personnes LGBT+ en entreprise ne sont pas isolés : ils s’inscrivent dans un climat social globalement marqué par la défiance, voire l’hostilité. C’est ce que confirme une autre enquête menée par BVA pour la Fondation Le Refuge en avril dernier, qui dresse un état des lieux préoccupant de la situation des personnes LGBT+ en France.
Selon cette étude, près d’un Français sur deux (46 %) estime que les personnes LGBT+ ne sont toujours pas bien acceptées dans la société — un ressenti encore plus marqué chez les personnes concernées elles-mêmes (59 %). L’enquête pointe une stagnation des mentalités dans tous les espaces du quotidien : la famille, l’école, et le monde professionnel.
Les violences verbales restent largement banalisées : 84 % des personnes LGBT+ déclarent avoir entendu des propos homophobes ou transphobes, dont 60 % à de nombreuses reprises. À cela s’ajoutent des formes plus graves de violence : 72 % affirment avoir été témoins d’agressions verbales, et plus de la moitié (53 %) d’agressions physiques.
Même dans la sphère familiale, le rejet demeure : si une majorité de répondants condamnent les violences envers un enfant LGBT+, les opinions restent clivées lorsqu’il s’agit de transidentité. 41 % des personnes interrogées affirment qu’elles réagiraient mal si leur enfant était transgenre, et seuls 47 % jugent inacceptable qu’un parent s’oppose à la transition de son enfant.
Ces chiffres témoignent d’une société encore profondément divisée, où la visibilité des personnes LGBT+ continue de se heurter à des résistances culturelles et sociales fortes, y compris dans les environnements censés être les plus protecteurs.
Sources :
- Baromètre BVA Xsight pour la Fondation Le Refuge – Avril 2025
- Baromètre Out@Work 2023 en partenariat avec Tétu – Juin 2025