Mickael Bucheron : le combat pour un accueil juste des victimes LGBTQI+ au sein de la police nationale

Depuis octobre 2019, Mickael Bucheron, Major de police, occupe le poste unique en France d’officier de liaison LGBTQI+, un concept inspiré des pays anglo-saxons. Ce poste a vu le jour pour la première fois en 1962 au sein du département de police de San Francisco, avec un objectif clair : établir un point de contact privilégié entre la communauté LGBTQI+ et la police.

L’officier de liaison LGBTQI+ a pour mission de servir de lien direct avec le public LGBTQI+. Il est l’interlocuteur privilégié pour les victimes de LGBTphobie, assurant un soutien spécifique et confidentiel. Ces victimes sont souvent réticentes à déposer plainte, ressentant parfois de la honte, un refus de prendre en compte leur demande.

En France, c’est l’association FLAG!, engagée contre toutes formes de violences et de discriminations envers les personnes LGBTQI+ au sein des ministères de l’Intérieur et de la Justice, qui est à l’origine de la création de ce poste. Mickael Bucheron est ainsi devenu en octobre 2019, le premier officier de liaison LGBTQI+ en France.

 

Aujourd’hui, des milliers de plaintes ne sont malheureusement pas déposées parce que les victimes n’osent pas se manifester. C’est donc un enjeu majeur de justice, de sécurité et de santé publique. 

Mickael Bucheron est le seul officier de liaison LGBTQI+ en poste au sein de la Police à la Préfecture de police de Paris, couvrant quatre départements : Paris, les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis, et le Val-de-Marne. Cependant, il note que les besoins sont importants partout en France. “Il y a encore trop de victimes d’actes homophobes ou transphobes qui ne se signalent pas, puisqu’un peu plus de 3 000 plaintes sont déposées environ par an, alors que des enquêtes de victimation évoquent un chiffre beaucoup plus important. On parle de viols homophobes, de violences, de menaces de mort ou de violences, des thérapies de conversion…”

Quelles sont vos missions principales ?

Avant tout, je suis là pour accueillir et accompagner les victimes.”, déclare Mickael Bucheron. “Je m’assure de la qualité des plaintes déposées et veille à ce que le caractère homophobe ou transphobe soit bien pris en compte pour que la suite judiciaire soit à la hauteur des faits.”

Mickael Bucheron est épaulé par un réseau de référents LGBT dans chaque commissariat. Ses missions couvrent plusieurs volets :

  • L’ accueil et écoute des victimes : Informer les victimes de leurs droits et des démarches à suivre. Il peut enregistrer les plaintes sur rendez-vous.
  • L’enquête et le suivi des plaintes : Vérifier que toutes les plaintes en matière d’homophobie et de transphobie lui parviennent, et s’assurer de leur suivi. “Un quart des plaintes nécessitent une requalification intégrant la circonstance aggravante liée à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre.” explique Mickael Bucheron
  • La sensibilisation et prévention : Organiser des actions de sensibilisation auprès des forces de l’ordre, que ce soit les référents LGBT, les policiers sur le terrain, ou les personnels chargés de l’accueil et des enquêtes. “Il est crucial de sensibiliser sur les spécificités des violences que subissent les personnes LGBTQI+ : viols homophobes, mégenrage, chemsex, menaces d’outing, thérapies de conversion… Il reste encore beaucoup de préjugés à déconstruire.
 
  • Le lien avec les référents LGBT : Maintenir un contact constant avec les référents LGBT en commissariat, à qui il apporte un soutien technique et juridique.
  • L’interface entre police, administration et associations LGBTQI+ “Je suis l’interlocuteur privilégié entre la police, les institutions (comme la mairie de Paris) et les associations engagées pour améliorer la prise en charge des victimes et renforcer la lutte contre les violences et discriminations LGBTphobes.”
 

Quel regard portez-vous sur vos missions aujourd’hui ?

Le côté positif de la création de cette fonction, c’est qu’il répond à une vraie attente et un vrai besoin puisque 80 à 90 % des personnes que je reçois n’auraient jamais osé venir avant .” témoigne Mickael Bucheron.

“Elles se sentent rassurées d’avoir un interlocuteur dédié.  S’il existe toujours une marge d’amélioration, aujourd’hui l’accueil au sein de nos commissariats est sans conteste de qualité. Quand un incident se produit, qu’il soit remonté par une victime ou une association, c’est mon rôle d’intervenir ou d’alerter la hiérarchie si nécessaire. Globalement, il y a une vraie volonté d’agir et un grand nombre de mes collègues me contactent pour des informations  sur  le  sujet,  que  ce  soit  sur  un  plan  judiciaire  ou  sur l’accompagnement des victimes.

La police parisienne a souvent été à l’avant-garde, et la création de ce poste d’officier de liaison LGBTQI+ en est un exemple. L’exemple de Paris a montré toute l’utilité et la nécessité d’avoir un officier de liaison. Reste à le développer et étendre cette fonction sur tout le territoire.”

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