Selon une étude de la Dares et Pôle emploi [1] parue début septembre, les pénuries de candidats sont au plus haut depuis dix ans et concernent sept métiers sur dix. Favoriser la mixité dans les métiers en tension peut permettre de combiner progrès social, solutions de recrutement et performance économique, alors que les recrutements sont à la peine dans des secteurs essentiellement masculins ou à prédominance féminine (aide à domicile, soin, petite enfance).
Il est donc temps de dégenrer les métiers et pourtant, l’Observatoire des inégalités note que “la mixité progresse, mais bien lentement“. Si les femmes représentent 49 % de la population active, la répartition au sein des différentes typologies de métiers est loin d’être paritaire. Selon une de ses études [2], “sur les 88 grands types de métiers répertoriés par le ministère du Travail, on comptait 16 métiers mixtes en 1982-1984. Il y en avait seulement cinq de plus 35 ans plus tard “.
Un métier est considéré comme mixte s’il comporte entre 40% et 60% des deux sexes. Seules les professions intermédiaires sont vraiment mixtes. Chez les cadres, on ne compte que 40% de femmes. Les emplois d’ouvriers sont exercés à 80 % par des hommes, et ceux d’employés, à 75 % par des femmes, détaille l’Observatoire.
La mixité est non seulement une réponse à la pénurie de talents mais engendre la performance économique si l’on en croit France Stratégie, dans une note de juin 2021 [3]. “A caractéristiques égales, une entreprise plus éloignée qu’une autre de la moyenne en termes de mixité est aussi moins productive”.
Le secteur du transport et de la logistique compte 18,5% de femmes parmi ses effectifs, une proportion qui n’augmente pas.
Présentes dans le transport sanitaire à 40%, les femmes représentent seulement 29% des effectifs dans le transport voyageurs (29%) et encore moins dans le transport de marchandises ou le déménagement.
Les femmes sont les moins nombreuses dans les cursus visant les secteurs de la métallurgie (12,5%), du BTP (16,6%) ou la pêche mer et nautisme (20%). Dans l’aéronautique, seuls 24% des emplois sont occupés par des femmes. Les jeunes femmes n’investissent pas non plus les métiers de demain, notamment ceux de l’IA. Selon l’Alan Turing Institute, seuls 22 % des professionnels de l’IA dans le monde sont des femmes avec une conséquence majeure : les algorithmes souffrent du manque de mixité dans les équipes de développement.
Au-delà du bénéfice pour l’entreprise en matière d’image, investir le public féminin sur ces métiers en tension est une aubaine pour le recrutement puisque 50 % des demandeurs d’emploi sont des femmes.
De plus en plus de secteurs professionnels tentent de s’ouvrir aux femmes et il y a une réelle volonté des entreprises, des institutions et des centres de formation de faire bouger les ligne, mais ces dernières se heurtent trop souvent aux stéréotypes. De nombreuses professions sont traditionnellement attribuées au genre masculin ou féminin.
Il existe aussi des hommes qui souhaitent exercer des professions dites féminines, mais qui rencontrent des préjugés ou des freins dans leur apprentissage. La mixité joue dans les deux sens!
A titre d’exemple, parmi les professions du médical, le métier de sage-femme est celle qui affiche l’un des taux de représentation le plus inégal. Selon l’Ordre des sage-femmes, les hommes n’étaient que 2,8 % en 2021 à exercer ce métier. Les métiers du domaine sanitaire et social souffrent d’une image où les hommes n’ont pas leur place, le sentiment d’empathie et de compréhension des autres étant socialement attribué aux femmes.
D’après une étude de l’Université de Zurich [4] les hommes auraient tendance à déserter les professions occupées en majorité par des femmes. « les hommes sont deux fois plus susceptibles de quitter une profession à 75 % “féminisée”, que de quitter un métier qui ne le serait qu’à 25 % ». Pour certains sociologues, ces résultats témoigneraient d’une résistance à la mixité de la part des hommes, consciente ou inconsciente, en se basant notamment sur l’image genrée qui en est rendue dans la société.
Pourtant, les métiers n’ont pas de sexe. Hommes et femmes peuvent parfaitement réussir dans l’ensemble des métiers du moment qu’ils ont les qualités et les compétences adaptées au poste. D’ailleurs les entreprises qui ont des équipes mixtes disent obtenir de meilleures performances, signe que cette mixité est riche et stimulante.
Pour aller plus loin: Les entreprises pour la Cité lance une grande enquête sur la mixité des métiers et dont les résultats seront dévoilés lors d’événements de restitution au dernier trimestre 2023 à Paris, Lyon, Marseille.
Cette enquête, à destination de toute organisation employeuse, a pour objectif de présenter des indicateurs visant à mieux mesurer les enjeux; identifier des bonnes pratiques à partager et des solutions pour favoriser la mixité des métiers.
Pour répondre à l’enquête : ICI
[1] : Etude DARES “ les tensions sur le marché du travail ” – 8 septembre 2022
[2] : Etude de L’observatoire des inégalités ” La mixité des métiers progresse mais bien lentement ” – 4 mars 2022
[3] : France Stratégie ” Explorer les liens entre mixité et productivité dans les entreprises” – Juin 2021
[4] : Université de Zurich – 24 janvier 2023