Les collectifs de salariés : les nouveaux protagonistes de l’entreprise

Face aux enjeux sociaux, sociétaux mais aussi environnementaux, les entreprises ont un rôle à jouer et surtout doivent se transformer. Pour cela elles peuvent s’appuyer sur le soutien de leurs salariés, souvent constitués en collectif.

Selon la Harvard Business Review «  Il suffit de 10 % des collaborateurs pour changer toute l’entreprise. » 

Partout en France, de plus en plus de collectifs de salariés d’entreprises se forment avec l’envie de s’unir et d’agir au cœur de l’entreprise. La plupart du temps, ces collectifs sont initiés par une poignée de salariés avec pour ambition de questionner les pratiques de leurs entreprises et de les faire évoluer.  

Issus d’organisations de tailles, de secteurs et de zones géographiques différents, il est vrai qu’une grande majorité de collectifs de salariés se sont d’abord créés dans des entreprises du CAC 40 (Suez, Bouygues, Michelin, Engie…) mais aussi dans des ETI, des secteurs industriels ou de services. On trouve désormais des centres de recherches ou des organisations humanitaires avec leurs propres collectifs de salariés.  

Ces initiatives ont dans un premier temps concerné la vie de bureau et se sont ensuite étendues à partir de 2020, pendant la crise sanitaire, à des initiatives locales et des bonnes pratiques qui ont ainsi vu le jour entre les collaborateurs d’une même entreprise, la crise sanitaire ayant renforcé une attente forte de contribution chez les salariés. 

Début 2021, 27 de ces collectifs se sont réunis autour d’un même désir: changer le monde de l’intérieur de l’entreprise en formant l’association LES COLLECTIFS. 18 mois plus tard, LES COLLECTIFS portent la voix de près de 150 collectifs et des dizaines de milliers de salariés. 

Les enjeux des collectifs de salariés 

A l’origine de ces collectifs, ce sont des salariés, qui veulent la plupart du temps repenser et transformer les modèles économiques de leur organisation, faire face à la perte de sens, ou encore, qui souhaitent accompagner l’entreprise vers une transformation profonde. Les collectifs de salariés se forment par-delà les silos des organisations et des niveaux hiérarchiques. Ils permettent de changer le regard sur l‘entreprise qui devient alors une opportunité pour explorer et engager des actions concrètes. Chaque salarié devient surtout acteur, à travers ces collectifs, du changement et le salariat devient quant à lui une voie d‘engagement.  

Le collectif est souvent une opportunité pour le salarié car il s’expose ainsi positivement dans son entreprise et devient régulièrement le référent sur les sujets, comme celui de la transition ou de l’égalité femme-homme, par exemple, parce qu’il développe par son action et son engagement au sein de l’entreprise, une expertise. Pour certaines personnes, cela leur a permis d’être un accélérateur de carrière sur les sujets sur lesquels elles se sont investies.  

Les interlocuteurs des collectifs peuvent varier d’une entreprise à l’autre : parfois ce sont des directions RSE, parfois des managers ou des directeurs de certaines entités, mais pour réussir dans leurs démarches, une écoute et même un appui clair de la Direction est indispensable.  

​Côté entreprise, ces dernières doivent faire des défis sociaux, sociétaux ou environnementaux leur priorité, en impliquant et en mobilisant toutes leurs parties prenantes dont les salariés, qui connaissent bien l’entreprise de l’intérieur, son modèle, ses forces et faiblesses, et qui de par leur connaissance fine du terrain, pourront faire preuve de pragmatisme. Les salariés demeurent donc la partie prenante la plus compétente et concernée pour l’entreprise engagée. 

Les collectifs sont ainsi une opportunité pour elle car les organisations qui réussiront les transitions nécessaires à sa survie, seront demain les plus impactantes et aussi les plus attractives, notamment pour leurs futurs salariés, à une époque où les difficultés de recrutement se font sentir. C’est aussi une opportunité de pouvoir s’appuyer sur des personnes volontaires et sensibilisées. 

Différents modes d’action  & initiatives 

Il y a trois actions principales menées par les collectifs de salariés:

Un premier mode d’actions consiste à sensibiliser en interne les équipes sur des sujets sociaux, sociétaux ou environnementaux via des fresques du climat par exemple. 

Un deuxième plan d’actions concerne les pratiques au travail : plusieurs collectifs ont ainsi fait des bilans carbone et les ont partagés avec la direction ou alors ont mené des actions autour de l’alimentation, de la redirection de l’épargne salariale vers des supports plus responsables.

Le dernier type d’actions concerne l’élaboration et l’évolution des produits, des services plus durables, voire du modèle d’activité des entreprises. Dans cette perspective, peut ainsi être créé un collectif pour évoquer la stratégie carbone de l’entreprise.  

Chez Michelin par exemple, les salariés peuvent s’adresser directement au top management et obtenir une réponse. Le discours du board de Michelin étant très engagé sur les sujets de durabilité, les solutions proposées par les salariés sont écoutées et prises en compte. 

Vinci a également mis en place un prix de l’environnement ouvert aux collaborateurs, ainsi que des “Clubs pivots” par domaine (RH, achat, communication) à l’occasion desquels des remontées de collaborateurs sont faites. 

Une démarche qui doit être structurée et clarifiée dans un mode de management participatif 

A ce stade, peu d’entreprises ont entrepris d’officialiser la démarche et d’aider ces collectifs à se structurer, par l’allocation d’un budget ou d’un temps libre dédié par exemple.  

Certains collectifs ne voient pas cette initiative d’un bon œil car la nécessaire indépendance de leurs actions pourrait être mise en péril par une telle démarche.  

Il est important de bien clarifier le rôle du collectif, son territoire d’action, ses moyens, sa gouvernance et il est essentiel d’avoir une bonne compréhension des enjeux et leviers d’impacts significatifs (tant positifs que négatifs). Pour ce faire, ces salariés doivent pouvoir avoir accès à des formations de qualité. 

Il faut féliciter, accompagner, soutenir les idées et prises d’initiatives qui font progresser l’entreprise et qui pourront lui permettre d’aller plus vite sur ses engagements RSE. Mais en aucun cas leur fixer des objectifs. Rentrer dans une logique de performance risquerait fortement de casser la dynamique, la créativité et l’engagement de ces collectifs. 

Si les salariés se sentent impliqués dans les prises de décision concernant leur entreprise, si les décisions sont prises en transparence, si le mode de management est plus participatif que directif, alors il y aura plus de chances pour que les salariés aient envie de s’impliquer. Il conviendra également de s’assurer du soutien du management intermédiaire. En effet, on a pu voir dans certains cas des frictions avec des managers car ils se sentaient court-circuités par leurs collaborateurs membres de collectifs qui avaient accès direct au top management. 

La montée en puissance des initiatives spontanées et collectives de salariées autour des sujets de la Responsabilité Sociale des Entreprises au sein d’un Collectif, s’inscrit naturellement dans le phénomène de recherche de sens au travail dans un contexte économique anxiogène croissant.  

Face à ce constat, les Directions d’entreprise ont tout intérêt à être attentives afin de capter les signaux faibles et anticiper les transformations stratégiques nécessaires. 

Au final, l’idée même de ces collectifs est que la Société ne changera pas sans l’entreprise qui elle-même ne changera pas sans ses salariés.  

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