Une tendance inattendue s’installe dans le monde du travail : de plus en plus de jeunes professionnels rejettent les responsabilités managériales, invoquant une pression excessive, des conflits fréquents et une charge mentale écrasante.
Il fut un temps où gravir les échelons jusqu’au poste de manager incarnait l’aboutissement professionnel par excellence. Mais ce rêve semble s’effriter. Aujourd’hui, le management n’est plus un objectif incontournable, surtout pour les jeunes générations. Un phénomène qui porte désormais un nom : le « conscious unbossing » ou « déhiérarchisation consciente ». Cette mouvance traduit un rejet délibéré des fonctions de supervision, révélant une profonde mutation des priorités professionnelles.
Une enquête menée en septembre 2024 par le cabinet Robert Walters auprès de 3 600 professionnels met en lumière cette évolution. Plus de la moitié (52 %) des répondants issus de la génération Z refusent d’endosser des responsabilités managériales. Parmi eux, 16 % vont plus loin en excluant tout poste impliquant la gestion directe d’équipes.
Pourquoi ce désamour ? Selon l’étude, le rôle de manager est perçu comme stressant et peu gratifiant. Près de 69 % des jeunes sondés jugent les pressions associées à ce poste disproportionnées par rapport aux avantages financiers.
Un nouveau rapport à l’autorité
Cette défiance envers le management reflète également une remise en question de l’autorité traditionnelle. Les jeunes, façonnées par Internet et les réseaux sociaux, valorisent une démocratie du savoir où la compétence prime sur le statut, aspirent à des modèles de travail plus horizontaux et collaboratifs. Un rapport de Terra Nova publié en 2024 confirme cette évolution. Parmi les 18-29 ans interrogés, 43 % déclarent accepter une décision hiérarchique seulement lorsqu’ils en comprennent le bien-fondé, contre 40 % qui s’y conforment par principe. Ce besoin de justification est encore plus marqué chez les jeunes cadres du secteur privé : 57 % privilégient une compréhension approfondie avant d’adhérer à une décision. À l’inverse, les jeunes ouvriers, à hauteur de 37 %, sont davantage enclins à suivre les consignes sans remise en question.
L’essor d’un management repensé
Alors que le désintérêt pour les fonctions managériales se généralise, une autre priorité émerge : le développement des compétences personnelles. Selon l’étude Robert Walters, 72 % des professionnels de la génération Z préfèrent investir dans le développement de leur expertise individuelle plutôt que viser des postes impliquant la gestion d’équipe.
Pour répondre à cette évolution, de nouvelles approches de management voient le jour. Entre le « management du trop-plein » où la multiplication des procédures, les contrôles administratifs et les injonctions hiérarchiques étouffe les collaborateurs et le « management par le vide » qui prône une liberté presque absolue sur le lieu de travail, mais au risque d’un manque de cadre, laissant certains salariés désorientés et en quête de repères, une troisième voie semble s’imposer : le « management par le vide organisé ». Ce modèle hybride promet de concilier structure et flexibilité, transparence et agilité.
Cette évolution redéfinit le rôle du manager, désormais perçu comme un facilitateur ou un coach plutôt qu’un superviseur autoritaire.
Reposant sur des principes de collaboration et d’autonomie encadrée, le management par le vide organisé offre une réponse aux aspirations des nouvelles générations. Il met l’accent sur la valorisation des échecs comme opportunités d’apprentissage et propose un équilibre subtil entre règles et liberté.
Adopter ce modèle pourrait permettre aux entreprises de retenir les talents tout en redéfinissant les codes du management. Un défi qui semble encore ambitieux, mais essentiel pour s’adapter à un monde professionnel en pleine transformation.