Resistex a adopté sa raison d’être en 2018, bien avant la promulgation de la loi Pacte. Pourquoi avoir été convaincu par ce concept et quel cheminement interne vous a permis d’aboutir à cette raison d’être ?
Deux événements concomitants m’ont particulièrement sensibilisé à ce concept : l’assemblée générale 2018 des Entreprises pour la Cité, à laquelle participait Nicole Notat, et celle du Global Compact, à laquelle participait Jean-Dominique Sénart. C’est lors de ces deux événements que j’ai entendu pour la première fois parlé de raison d’être et d’entreprise à mission. Et je me suis réellement reconnu dans cette démarche, qui me semblait être celle que nous construisions déjà au sein de mon entreprise depuis des années.
J’essaye habituellement d’être dans une posture managériale collaborative, mais, là, je dois dire que, porté par l’enthousiasme, je me suis posé et j’ai écrit d’un seul jet, seul dans mon bureau, notre raison d’être : « Fournir au plus grand nombre un éclairage de qualité énergétiquement efficace ». Chez nous, la raison d’être est donc vraiment chevillée au corps du dirigeant ! C’est ensuite que j’ai entrepris de convaincre mes collaborateurs en leur affirmant que notre rôle n’était pas de faire du profit, mais plutôt de créer du sens. Même nos concitoyens les plus modestes ont le droit de bénéficier d’un bon éclairage, pour la planète. L’efficacité énergétique, c’est la réduction des émissions de CO2. C’est ça qui doit donner à chaque salarié l’envie de se lever chaque matin pour venir se réaliser et s’épanouir au travail.
D’une façon générale, je me suis intéressé au développement durable depuis 2008. Nous avons réalisé notre Bilan Carbone en 2009 et, en interne, à l’époque, ce n’était pas réellement compris… Que pouvait bien nous rapporter ce type de démarche ? Je ne savais peut-être pas suffisamment comment l’expliquer, mais le fait de parler du sens de son travail à chacun au quotidien aujourd’hui, de s’interroger sur « de quoi le marché serait privé si nous n’étions pas là », avant même de parler d’entreprise à mission, ont été pour moi des clés déterminantes.
Ce n’est pas en recherchant avant tout le profit qu’on l’obtient. C’est ma devise et celle que je veux partager avec mes collaborateurs. Ce sont d’ailleurs ces valeurs qui, selon moi, expliquent la bonne santé de l’entreprise. L’entreprise a maintenant 83 ans et elle n’a jamais été aussi rentable que l’an dernier…
Même si, comme tous, nous prenons de plein fouet la crise du coronavirus, ce sont ces valeurs qui nous permettront aussi de nous projeter, d’investir à long terme et de retrouver la santé économique qui a été la nôtre.
Notre priorité ne doit pas être nos clients, mais nos salariés. Si on met plus d’énergie à satisfaire nos salariés, on obtient un vrai esprit d’équipe et de solidarité, ce qui génère un engagement commun et du gagnant gagnant. C’est tout récent mais les salariés commencent à connecter RSE et performance, parce qu’ils le vivent au quotidien. Parce qu’ils existent dans l’entreprise, qu’ils sont considérés, parce qu’il s’agit d’une démarche authentique et sincère, qui répond à des valeurs partagées, les collaborateurs défendent les intérêts de l’entreprise avec audace, confiance engagement et honnêteté.
Pourquoi avoir choisi d’aller jusqu’au statut d’entreprise à mission ?
Ce statut n’apporte en soi aucun avantage financier, mais il place l’entreprise face à ses impacts et lui fait prendre conscience de l’intérêt général auquel elle contribue. Si je suis dans une démarche d’amélioration continue, alors mon environnement fonctionne de mieux en mieux.
Nous faisons en sorte, avec Les entreprises pour la Cité notamment, d’être utiles à notre territoire pour qui nous nous investissons aujourd’hui. Nous développons par exemple des initiatives pour accueillir de nombreux jeunes issus de quartiers prioritaires en stage de 3ème. Cela nous a valu en retour la visite du secrétaire d’état Gabriel Attal et celle de la presse. Mais ce n’est pas tout : ces jeunes sont aussi nos futurs clients, nos futurs salariés et nos futurs fournisseurs. En considérant la jeunesse comme une partie-prenante, je dois dès aujourd’hui connaître leurs besoins et attentes, pour tendre vers de la coopération à long terme. On décloisonne aussi et on se rapproche ainsi, du personnel enseignant, mais également des parents, de notre environnement au sens large.
Pour être entreprise à mission, il faut cocher trois cases : inclure dans ses statuts une raison d’être, aligner ses opérations sur l’intérêt général et rédiger un reporting du suivi de ses objectifs. Le fait d’accorder de l’importance au reporting nous oblige à mieux formaliser nos actions, nous rend plus exigeants. Nous venons d’ailleurs de décider cette année d’aller encore plus loin en visant une certification. Je ne voudrais pas que l’on mette en doute nos actions. Je tiens à être en capacité de prouver nos dires. C’est une démarche volontaire, mais elle doit être vérifiable par tous. Rien de pire en termes d’image que de se faire accuser de greenwashing !
Comment ce nouveau statut impacte-t-il aujourd’hui votre modèle économique ?
Ce statut impacte notre modèle économique entre autres dans nos relations avec nos clients. Nous n’essayons pas de vendre le plus cher possible au client, mais plutôt de nous adapter à ses besoins réels. Cette démarche globale apporte une force et une cohérence dans la prise de décision.
Nous accordons aussi beaucoup de place à l’éthique dans notre modèle économique. Nous sommes par exemple mécènes d’une chaire universitaire en philosophie de la smart city. Pour moi le court terme n’est pas un enjeu, nous sommes résolument tournés vers le prospectif et le pérenne. Nous allons en outre très bientôt recruter un doctorant en Innovation managériale pour formaliser une boîte à outils sur les relations gagnant gagnant. Cela nous permettra d’avoir une approche systémique globale sur le management de nos collaborateurs et de toutes nos parties prenantes.
Ce qui m’intéresse ce n’est pas de dépenser moins pour gagner plus mais d’investir pour créer plus de richesses immatérielles !