Dans un contexte marqué par le recul des financements publics et une pression accrue sur la générosité pour soutenir les missions sociales, il devient crucial de comprendre qui donne aujourd’hui. Avant de dresser le portrait des donateurs en 2024, ouvrons avec quelques chiffres clés et un rapide état des lieux de la collecte cette année.
En 2024, la collecte progresse timidement : +1,9 % en euros par rapport à 2023, l’une des plus faibles progressions de la décennie. Son visage change toutefois : plus régulière, plus digitale et davantage sensible aux événements médiatiques. Reste une question de fond : comment financer les causes structurelles quand l’urgence monopolise l’attention ?
Une collecte qui progresse lentement et surtout grâce aux dons ponctuels.
Les dons liés à l’actualité (ex. : cyclone à Mayotte) pèsent près de 5 % de la collecte annuelle et, à eux seuls, contribuent à une hausse d’environ +3 % par rapport à 2023. Par ailleurs, 7 % des donateurs déclarent ne donner qu’en situation d’urgence, un public volatil et difficile à fidéliser. Lorsque l’actualité s’emballe, les organisations dédiées à la recherche médicale, à l’exclusion, à l’environnement ou à la culture subissent une concurrence accrue, avec un risque d’éviction.
Le dernier trimestre demeure déterminant : 40,6 % des montants sont réunis entre octobre et décembre, signe que calendrier fiscal et campagnes de fin d’année continuent d’aimanter la générosité.
Le virage digital s’affirme
Côté canaux, le virage digital prend le dessus sur le don offline : la collecte en ligne progresse de +8,4 % et représente 33 % de la valeur des dons. Les dons hors ligne reculent de −3,7 %, mais restent majoritaires (environ deux tiers).
- Les donateurs réguliers montent en puissance. Le prélèvement automatique progresse encore +4,4 % en 2024 et représente désormais 45 % de la collecte.
- Les donateurs “coup de cœur” qui font un don ponctuel marquent le pas : -0,1 % sur l’année 2024 par rapport à 2023, avec -2,9 % de nombre de dons ponctuels mais ces derniers sont compensés par un don moyen qui atteint 100 € signe d’une concentration de l’effort sur des montants plus élevés. Le volume des dons ponctuels a toutefois baissé de 20 % en 10 ans
Quand les convictions politiques façonnent la générosité
En 2025, la politique oriente aussi nos dons. Au-delà du traditionnel clivage gauche/droite, une étude publiée dans the Conversation montre que la générosité se structure autour de l’opposition conservateurs/progressistes (ou libéraux). Les premiers privilégient des associations locales, centrées sur la résolution concrète de problèmes ; les seconds soutiennent des projets de justice sociale porteurs de changement. Nos préférences politiques pèseraient sur nos élans de générosité et les causes que nous soutenons.
D’après le professeur Graham, les conservateurs insistent sur la responsabilité personnelle et la stabilité des institutions, tandis que les progressistes privilégient la responsabilité collective et les actions contre les inégalités. Ces différences pèsent directement sur le type d’organisations caritatives que chacun choisit de soutenir.
Les messages qui mobilisent selon les profils
Les profils conservateurs répondent mieux aux messages qui parlent de protection ou d’évitement d’un risque. Du type : « Votre don protégera des populations contre les épidémies » ou « Votre geste permettra de mettre en œuvre des actions pour protéger la planète ». Ces promesses de sécurité résonnent particulièrement.
À l’inverse, les profils progressistes privilégient les messages tournés vers l’opportunité et le progrès, avec un accent sur l’optimisme : « Aidez-nous à créer un monde plus vert », « Relevons ensemble le défi de l’égalité sociale ».
Pour mesurer ces préférences, une expérience a été menée auprès de 150 personnes. Après un questionnaire d’orientation politique, elles étaient invitées à soutenir une même association, présentée selon trois versions :
- un message neutre (description de l’activité) ;
- un message « évitement » (protection, sécurité) ;
- un message « progrès » (changement, amélioration).
Résultat : la probabilité qu’une personne progressiste ou libéral donne à une cause présentée sous l’angle du progrès atteint 85 %, contre 30 % pour les conservateurs exposés au même message. À l’inverse, un message axé protection fait grimper la probabilité de don des conservateurs à plus de 60 %, contre 36 % chez les progressistes.
Proximité chez les conservateurs ; justice sociale chez les libéraux
Autre enseignement : les conservateurs préfèrent les causes dont les bénéficiaires leur paraissent proches (culturellement, géographiquement ou socialement). Pour tester cette idée, 243 répondants ont rempli un questionnaire politique, puis on leur a proposé un don.
Deux versions d’une même association étaient présentées : aide dans la ville du répondant, ou aide dans un autre pays. Quand un conservateur voit un bénéficiaire « proche », la probabilité de don atteint 73 %, contre 68 % lorsque le bénéficiaire est éloigné.
Chez les progressistes ou libéraux, la fibre sociale est un puissant moteur. Les causes qui visent à corriger des inégalités ou à soutenir des publics marginalisés ( aide aux sans-abris, lutte contre la drogue) mobilisent davantage. Ces thématiques touchent au cœur de mission de nombreuses associations à vocation sociale.
Pour objectiver cette tendance, 270 personnes ont d’abord répondu à un questionnaire sur leur orientation politique, avant d’être invitées à formuler une promesse de don en faveur d’une organisation caritative. Deux cadrages étaient proposés : pour un premier groupe, l’association œuvrait pour l’égalité entre les femmes et les hommes ; pour un second, elle luttait contre l’abus et la cruauté envers les animaux de compagnie. Verdict : chez les répondants progressistes, la probabilité de don grimpe à 76 % lorsque la cause relève explicitement de la justice sociale, contre 58 % lorsqu’elle ne l’est pas.
Face à un public conservateur, insister sur la sécurité, la protection et la proximité. À l’adresse d’un public progressiste, mieux vaut mettre en avant l’innovation, le changement et les initiatives qui réduisent les inégalités.
En bref, 2024 signe une progression modeste de la collecte devenue plus digitale plus récurrente, toujours concentrée sur le dernier trimestre, dopée par les dons ponctuels.
La priorité : sécuriser des revenus réguliers et adapter les messages aux différentes sensibilités de donateurs.
Sources :
Conservateur ou progressiste : quel type de donateur êtes-vous ? The Conversation
Evolution de la générosité en France – France générosités | juillet 2025