Santé mentale des jeunes : état des lieux et leviers pour agir

Longtemps peu évaluée, la santé mentale des jeunes a été propulsée au premier plan par la pandémie de Covid-19. Les nombreux signaux de détresse ont suscité une production de données et une attention inédite. Enquêtes, alertes et témoignages, notamment d’étudiants, ont conduit à des mesures : prise en charge de consultations par certaines mutuelles dès 2021, création de Santé Psy Étudiant, puis « Mon soutien psy » remboursé par l’Assurance maladie. Le plan psychiatrie s’est depuis renforcé, avec un accent sur la prévention et le repérage précoce. En 2025, la santé mentale devient grande cause nationale, faisant de l’enjeu une responsabilité collective. Pour autant, l’offre reste jugée insuffisante, peu visible et inégalement accessible ; le repérage demeure parcellaire et les inégalités d’accès persistent. D’où une question centrale : comment vont les jeunes aujourd’hui ? Au-delà du médical, les déterminants sont sociaux, économiques, numériques et territoriaux. Une étude récente de l’Institut Montaigne, de la Mutualité Française et de l’Institut Terram menée auprès de 5 633 jeunes de 15 à 29 ans au printemps 2025, en métropole et dans les Outre-mer (DROM) dresse un panorama des expériences, des freins et des ressources, ainsi que des attentes exprimées. « Santé mentale des jeunes : de l’Hexagone aux Outre-mer »

Définir la santé mentale 

Selon l’OMS, la santé mentale est un état de bien-être qui permet de faire face au stress, de réaliser son potentiel, d’apprendre, de travailler et de contribuer à la communauté. Partie intégrante de la santé, au même titre que la santé physique, elle peut se détériorer temporairement ou durablement.

Elle dépend de déterminants multiples : facteurs individuels (parcours de vie, prédispositions biologiques ou génétiques) et conditions socio-économiques. Le cadre de vie, la stabilité financière, l’accès à l’éducation, la qualité des relations sociales, ainsi que les conditions de travail et de logement jouent un rôle clé.

Où en est-on ? 

Près de deux tiers des 15–29 ans (64 %) jugent leur santé mentale « plutôt bonne », mais 14 % disent aller mal.

Un jeune sur quatre est aujourd’hui en dépression. Les écarts sociaux sont nets : 75 % des jeunes sans difficultés financières se disent en bonne santé mentale, contre 54 % de ceux qui en ont ; l’insertion compte aussi (68 % des salariés « vont bien » contre 49 % des jeunes en recherche d’emploi). Autrement dit, les conditions de vie, emploi, ressources, stabilité pèsent lourd.

Les disparités territoriales

En milieu rural, 11 % des jeunes se déclarent en mauvaise santé mentale, contre 17 % dans les métropoles. En ville, deux facteurs dominent : surcharge (études, travail, hyperconnexion) et solitude paradoxale. Les territoires moins denses apparaissent plus protecteurs. La densité accroît stress et isolement.

En revanche, les jeunes des métropoles sont mieux informés : 80 % d’entre eux ont déjà été sensibilisés sur la santé mentale, contre 68 % dans le rural. 

39 % des jeunes en Outre-mer souffrent de dépression contre une moyenne de 25 % pour l’ensemble de la France métropolitaine. Dans plusieurs territoires d’Outre-mer, la combinaison d’un contexte socio-économique plus tendu et d’une offre de soins plus clairsemée renforce les obstacles. 

Conditions de vie : précarité, habitat, passé familial

Précarité :  33 % des jeunes en grande difficulté financière déclarent une mauvaise santé mentale et 47 % une dépression.

Habitat. Les déclarations de mauvaise santé mentale sont plus fréquentes chez ceux qui vivent en résidence universitaire (24 %), en colocation (17 %) ou seuls (16 %), contre 14 % en moyenne. À l’inverse, vivre chez ses parents est plutôt protecteur : 65 % jugent leur état mental satisfaisant.

Passé familial. Avoir grandi dans un foyer instable double le risque de dépression (35 % vs 15 %). Le niveau de vie perçu durant l’enfance pèse aussi : 72 % des jeunes issus de foyers favorisés évaluent positivement leur santé mentale, contre 55 % pour ceux ayant connu la précarité.

En somme, instabilité familiale et précarité économique s’additionnent et creusent des inégalités précoces dans la construction de la santé mentale.

Scolarité, travail, violences

Près de 9 jeunes sur 10 (87 %) affirment être régulièrement stressés par leurs études et les trois quarts des actifs ou étudiants ayant un emploi (75 %) se disent régulièrement stressés par leur travail. Pression à la performance, injonctions à la réussite, difficulté à concilier vie personnelle et exigences scolaires ou professionnelles peuvent nourrir un déséquilibre. Pour les jeunes, le stress au travail est d’ailleurs le deuxième facteur suscitant un niveau de frustration élevé (juste derrière la rémunération), démontrant ainsi l’importance qu’ils y attachent.

La pression scolaire peut être aggravée par des expériences de violence ou de mise à l’écart. Le harcèlement scolaire constitue une réalité pour plus de 1 jeune sur 2 (52 %). Dans le détail, 31 % des répondants affirment avoir été victimes, 23 % en ont déjà été témoins et 11 % reconnaissent avoir eu des comportements susceptibles de blesser quelqu’un. Le fait que seulement 44 % des jeunes affirment n’avoir jamais été confrontés à une telle situation souligne l’ampleur du phénomène et la nécessité d’en faire un axe prioritaire de prévention et de soutien psychologique.

Mobilité : un angle mort très concret

Un rythme de vie soutenu peut fragiliser l’équilibre psychique, mais l’immobilité contrainte en est aussi une source. Ne pas pouvoir se déplacer librement pour voir des proches, participer à des activités culturelles, honorer un rendez-vous professionnel ou accéder à des soins, devient un empêchement quotidien. Ce frein est massif : plus de trois quarts des jeunes (77 %) ont déjà renoncé à au moins une activité en raison de contraintes de transport. Parmi ceux qui renoncent souvent, 39 % sont en dépression (+14 points vs moyenne). Et 41 % des personnes ayant connu des symptômes dépressifs attribuent au moins partiellement leurs difficultés à des problèmes de déplacement. Là encore, la géographie fabrique de la santé… ou de la renonciation.

La peur de l’avenir

Chaque génération grandit à l’épreuve de son temps, confrontée à ses propres crises collectives et à ses incertitudes spécifiques. Celle d’aujourd’hui fait face à une conjoncture inédite, marquée par l’intensification des crises climatiques, la recrudescence des tensions géopolitiques et une instabilité économique et politique persistante.

Dans ce contexte, l’avenir n’apparaît pas comme un espace de possibilités infinies mais principalement comme un horizon incertain, souvent redouté. Ainsi, 71 % des 18-24 ans expriment leurs difficultés à se projeter dans le futur et même leur impossibilité à le faire pour 11 % des jeunes interrogés.

94 % des 15-29 ans sont inquiets à propos d’au moins un des trois domaines suivants : l’actualité internationale (83 %), les enjeux environnementaux et climatiques (77 %) et leur propre avenir (68 %).

Pourquoi consulte-t-on si peu (et si tard) ?

D’après les données, 7 jeunes sur 10 (69 %) déclarent avoir déjà évoqué leur santé mentale avec quelqu’un. Cette parole passe surtout par le cercle intime–amis (52 %) ou famille (47 %) et reste ponctuelle. Seuls 38 % des jeunes interrogés ont déjà échangé avec un professionnel à ce sujet, et à peine 1 jeune sur 5 (21 %) l’a fait à plusieurs reprises.

Quatre jeunes sur dix (40 %) n’ont jamais consulté et disent n’en avoir pas ressenti le besoin, tandis que 19 % reconnaissent un besoin d’aide sans avoir franchi le pas. Les freins majeurs sont psychologiques (24 % n’osent pas par crainte du jugement), puis informationnels (13 % ne savent pas vers qui se tourner), matériels (17 % invoquent le coût ; 10 % le manque de temps) et, plus marginalement, structurels (5 % n’ont pas obtenu de rendez-vous ; 6 % évoquent des difficultés d’accès).

S’y ajoute un scepticisme : 18 % estiment que consulter ne les aurait pas aidés. Cette réserve peut découler d’une mauvaise expérience, d’une méconnaissance des approches disponibles ou d’une défiance plus générale envers les institutions, plutôt que d’un rejet de la psychologie ou de la psychiatrie.

Prévenir pour mieux prendre en charge : l’enjeu de la sensibilisation

Face aux tabous et aux barrières d’accès, la sensibilisation est un maillon clé : avant de consulter, il faut savoir nommer un trouble et trouver des repères pour en parler.

Aujourd’hui, 76 % des jeunes disent avoir été sensibilisés. La sensibilisation passe surtout par les proches(famille et amis) et par les médias et réseaux sociaux pour 41 % avec un risque d’informations de qualité inégale (sur TikTok, 52 % des contenus contiendraient de la désinformation).

Que faire, concrètement ?

Les jeunes se positionnent comme acteurs et tracent des priorités claires : faciliter l’accès aux soins et à l’information (36 %), renforcer la prévention et la sensibilisation (36 %), rendre les soins plus accessibles (34 %), étoffer l’offre et l’accompagnement (31 %) et, enfin, promouvoir le bien-être et l’autonomie (29 %). Parmi les mesures concrètes, la réduction du coût arrive en tête (19 %), surtout chez ceux en mauvaise santé mentale (27 %) et chez les femmes (23 %), dans un contexte de pénurie en CMP, d’inégalités territoriales, de dépassements d’honoraires en libéral et d’un dispositif Mon Soutien Psy limité. Viennent ensuite le soutien aux activités de bien-être (sport, arts, nature ; 16 %), une meilleure prise en compte de la santé mentale à l’école et dans le supérieur (15 %), la lisibilité du système de soins (15 %) et la lutte contre le harcèlement (15 %).

Au-delà du catalogue de mesures, le message est net : l’attente est multidimensionnelle. Les jeunes demandent une politique qui conjugue accès, coût, prévention et clarté du parcours, et qui intègre la santé mentale dans les politiques d’éducation, de logement, de mobilité et d’emploi bref, un axe structurant de l’action publique. 

Source : « Santé mentale des jeunes : de l’Hexagone aux Outre-mer « – Septembre 2025 | Institut Montaigne, Mutualité Française et Institut Terram.

Pour aller plus loin – Rendez-vous le 15 octobre pour le webinaire organisé par Innov’Avenir sur la santé mentale des jeunes.

Ce temps d’échange a pour objectif de donner l’opportunité aux collaborateurs et collaboratrices des entreprises membres de rencontrer des experts et des acteurs de terrain et d’approfondir leur compréhension des réalités vécues par les jeunes aujourd’hui.  Informations & Inscriptions IC

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