Développement des contrats à impact : notre synthèse du rapport Cazenave

Le 2 mars dernier, le groupe de travail sur les contrats à impact présidé par Thomas Cazenave, a remis un rapport à Olivia Grégoire, secrétaire d’État chargée de l’Économie sociale solidaire et responsable. Le document présente cinq propositions de mesures opérationnelles à mettre en œuvre afin de soutenir le développement de ce dispositif en France. Nous vous proposons d’en découvrir la synthèse… 

Une volonté de soutenir le développement des Contrats à Impact en France

« Le contrat à impact (CI) est un partenariat entre le public et le privé pour favoriser l’émergence de projets sociétaux innovants permettant de faire changer d’échelle des solutions efficaces aux problèmes identifiés sur le terrain. ». Dans ce type de contrat, l’investisseur privé préfinance un projet social porté par une structure de l’économie sociale et solidaire, et en assume le risque financier en échange d’une rémunération prévue d’avance en cas de succès. L’État, ou la collectivité, ne rembourse l’investisseur qu’en cas de réussite du projet, fondée sur une évaluation objective réalisée par un évaluateur indépendant. Créé en France en 2016, le CI demeure encore un outil confidentiel malgré l’appui de quelques acteurs historiques. En 2021, une douzaine de projets ont été signés pour un engagement financier total de 20 millions d’euros uniquement. Le constat est fait dans le rapport que les investisseurs ont peu profité de cette innovation en dépit de l’intérêt qu’ils portent aux projets à impact. Quant aux acteurs de la philanthropie, notamment les fondations, elles n’ont pas été mobilisées sur le sujet, alors même que ce dispositif pourrait s’aligner avec leurs missions d’intérêt général.

En 2021, la dynamique des Contrats à impact avait été relancée par Olivia Grégoire, secrétaire d’État chargée de l’Économie sociale solidaire et responsable. Plusieurs appels à manifestation d’intérêt avaient ainsi été émis, adressant différentes thématiques, pour faire émerger de nouveaux contrats.
En juin 2021, Les Entreprises pour la Cité faisait le bilan des 5 années d’existences des contrats à impact lors d’une conférence avec la participation exceptionnelle d’Olivia Grégoire. A cette occasion, la Ministre avait détaillé la nouvelle stratégie : le lancement de 3 appels à manifestation d’intérêts thématisés avec des enveloppes budgétaires dédiées et un suivi assuré par un corps de fonctionnaire.

En parallèle, le Gouvernement missionnait l’Inspection Générale des Finances pour émettre des propositions pour le développement des contrats à impact en France. Présidé par Thomas Cazenave, Inspecteur général des finances, le groupe de travail chargé de la rédaction ce rapport définit le contrat à impact comme “un outil original pour financer l’innovation sociale et environnementale”.

​​​​​​​Une volonté de faire du contrat à impact un instrument utile et efficace au service du financement de l’innovation sociale

Au sein du rapport, le groupe de travail insiste tout d’abord sur l’importance de simplifier les mécanismes du contrat. Il propose ainsi une nouvelle forme de partenariat public-privé pour attirer de nouveaux acteurs tels que les banques. Cette simplification ne pourra donner lieu à un projet de loi dans l’immédiat, mais Olivia Grégoire espère que le rapport sera repris et appliqué dans le deuxième quinquennat du Président : « C’est un nouvel outil, dont on a besoin à côté des autres modes de financement publics et qui ne les exclut pas. On peut avoir en même temps une subvention, passer un marché public et un contrat à impact. L’ESS est une forme d’avenir qui a besoin de changer d’échelle, au moyen d’outil comme le contrat à impact. »

Afin de concrétiser ces objectifs, le groupe de travail émet cinq propositions ambitieuses, qui sont réparties en 2 axes principaux à savoir :

  • Mieux placer les contrats à impact  dans le paysage public et administratif ;
  • Elargir la base des investissements impliqués dans les contrats à impact.

Parce que le rapport présente des propositions parfois très techniques et qui dépassent le cadre du mécénat d’entreprise et des engagements citoyens, nous vous proposons une synthèse de ces propositions.

– Axe 1 : Mieux placer les CI dans le paysage public et administratif

Proposition 1 : Structuration du portage et du pilotage des CI dans une logique interministérielle avec des moyens dédiés

  • Confier la gestion des CI à une équipe interministérielle dédiée afin d’avoir un point focal de communication entre l’Etat et les différents porteurs de projets et les gestionnaires publics qui pourront bénéficier d’un appui technique. Cette équipe aurait un rôle de promotion, de pédagogie et de formation des CI auprès des parties-prenantes pour les accompagner dans les démarches du dispositif.
  • La mise en place d’appels à manifestations d’intérêt (AMI) plus réguliers sur des objectifs d’impacts précis et mesurables pour construire un vivier de CI potentiels et répondre aux enjeux de transformation publique à long terme. Mais aussi la création d’une ligne budgétaire dédiée au financement des contrats permettant l’amélioration de la visibilité et l’attractivité des CI pour les investisseurs et les opérateurs.

Proposition 2 : Stimuler et structurer les fonctions d’évaluateur et de structurateur de CI via une sélection par appels d’offres publics.

Bien définir les rôles de chaque acteur notamment sur les volets d’accompagnement des porteurs de projets dans la phase d’élaboration des CI mais aussi sur l’évaluation, qui a un impact direct sur l’atteinte des objectifs et la rémunération perçue par les investisseurs. Et ce, en lançant des appels d’offres et un vivier de structurateurs et d’évaluateurs pour accompagner les opérateurs en matière d’évaluation d’impact.

Proposition 3 : Privilégier des projets plus risqués mais avec plus de potentiels de transformation pour la puissance publique

Lier la rémunération des investisseurs au niveau de risque et d’innovation des projets, dans l’objectif d’attirer plus d’investisseurs dans ces contrats. En outre, sortir d’une vision minimaliste en termes de risque et de rentabilité au profit d’une approche plus équilibrée qui permettrait d’envisager des rémunérations dans des fourchettes indicatives comprises par exemple entre 6 et 8%.

– Axe 2 : Elargir la base des investissements impliqués dans les contrats à impact

Proposition 4 : Rendre le contrat à impact plus accessible pour les opérateurs de l’ESS et les investisseurs grâce à une série de simplifications du dispositif

Le rapport a proposé une série de mesures sur le traitement de ces contrats afin de lever les barrières à leur utilisation pour les opérateurs et les investisseurs à savoir :

  • Inciter à l’usage de la technique de la cession de créances de l’opérateur des AMI à l’investisseur. En lui transférant la promesse de verser une subvention, en fonction de l’atteinte ou non des résultats, les associations et entreprises de l’ESS n’auraient plus à s’engager dans un chantier complexe d’émission obligataire comme c’est majoritairement le cas aujourd’hui.
  • Mettre en place une saisine de l’Autorité des normes comptables qui permettrait une demande de classification de l’obligation émise par l’opérateur en “autres fonds propres” plutôt qu’en dette, pour le cas où il est obligatoire d’utiliser une émission obligataire pour mettre en œuvre un CI. Ceci pose aujourd’hui un problème pour des acteurs de l’ESS les moins solides financièrement.
  • Se doter d’une méthodologie de valorisation commune, arrêtée par un expert indépendant qui répondra à la difficulté actuelle des investisseurs de valoriser le contrat à impact en tant qu’actif financier.

Proposition 5 : Recourir à de nouveaux mécanismes financiers dans les modalités d’investissement au sein des CI afin d’élargir le nombre d’investisseurs potentiels.

Le rapport propose la diversification des profils de risque pour les futurs CI par le biais de l’adoption d’instruments financiers divergents. Entre autres, par la réplication des techniques actuellement utilisées par les marchés obligataires sur le modèle des “sustainability linked bonds”. Il prévoit de faire émerger un véhicule financier rassemblant les investisseurs qui partagent la même stratégie vis-à-vis du CI. Ces derniers peuvent être représentés par une société de gestion de ce fonds pour une meilleure négociation durant la structuration des CI.

Pour retrouver l’ensemble des cinq propositions, consultez le rapport complet ici.

Partager
Retour en haut