Perception du handicap : la France face à ses contradictions

Les préjugés liés au handicap restent profondément enracinés en France, malgré des initiatives de sensibilisation et des événements mobilisateurs comme les Jeux paralympiques. Deux études récentes mettent en lumière la perception des personnes handicapées dans la société française : l’une, réalisée par l’Ifop pour le magazine Ombres & Lumière en novembre 2024, et l’autre par Odoxa pour la fondation Ahadi en février 2024.

Des perceptions variables selon le type de handicap (source : IFOP)

En France, l’acceptation des handicaps varie selon leur nature. D’après l’étude IFOP, 58 % des Français se disent à l’aise avec les handicaps sensoriels (personnes aveugles, sourdes ou muettes), et 53 % avec les handicaps moteurs. En revanche, ce chiffre tombe à 42 % pour les handicaps mentaux (trisomie 21, autisme) et atteint un creux de 28 % pour les handicaps psychiques (schizophrénie, bipolarité, dépression sévère). Ces données traduisent une incompréhension encore importante autour des troubles psychiques tels que la schizophrénie, la bipolarité ou la dépression sévère.

Par ailleurs, l’étude Odoxa révèle que 76 % des Français perçoivent une personne handicapée comme une « charge lourde » pour sa famille, un score bien supérieur à la moyenne européenne (50 %) et au Royaume-Uni (37 %).

Un effet limité des Jeux paralympiques (source : IFOP)

L’étude IFOP révèle que 85 % des Français estiment que les Jeux paralympiques de Paris 2024 ont contribué à une meilleure compréhension du handicap. Cependant, l’impact semble éphémère : 77 % jugent que l’intérêt pour la question du handicap s’est estompé après l’événement. Pire encore, la proportion de Français à l’aise avec les différentes formes de handicap a diminué depuis 2021 :

  • Handicap sensoriel : -8 points (de 66 % à 58 %),
  • Handicap moteur : -5 points (de 58 % à 53 %),
  • Handicap mental : -4 points (de 46 % à 42 %),
  • Handicap psychique : -8 points (de 36 % à 28 %).

Accessibilité et inclusion professionnelle : un retard marqué (source : Odoxa)

En matière d’accessibilité, l’étude Odoxa montre que 41 % des Français estiment que les transports en commun sont adaptés aux personnes handicapées. Ce chiffre reste bien en deçà de la moyenne européenne (55 %) et loin derrière le Royaume-Uni, leader en la matière où 68 % des citoyens jugent ces infrastructures satisfaisantes. Bien qu’en progrès par rapport à 2014 (+15 points), la France accuse un retard.

Selon Odoxa, 88 % des Français reconnaissent les compétences des travailleurs handicapés, un chiffre en hausse (+12 points depuis 2014). Cependant, 50 % estiment qu’ils ne progressent pas aussi rapidement que leurs collègues non handicapés et qu’ils sont « plus difficiles à intégrer ». Ce constat rejoint celui des autres Européens, qui expriment des réticences similaires sur les missions de premier plan confiées aux salariés handicapés.

La marginalisation des personnes handicapées en politique ( source Odoxa)

Dans le champ politique, la marginalisation des personnes handicapées reste un enjeu majeur. Si 90 % des Français se disent prêts à voter pour une personne handicapée, les Britanniques, pourtant souvent perçus comme plus inclusifs, affichent un score nettement inférieur (66 %).

Une représentation médiatique insuffisante

L’étude IFOP souligne que le handicap est principalement visible dans les médias français à travers le prisme du divertissement, notamment grâce à des humoristes, influenceurs ou artistes. Cependant, la présence des personnes handicapées dans les rôles d’experts, journalistes ou animateurs télévisés reste marginale.

Les Français rejoignent leurs voisins européens pour dénoncer le manque de visibilité dans la publicité : 70 % estiment que les personnes handicapées y sont sous-représentées (étude Odoxa), un constat corroboré par le fait qu’elles apparaissent dans moins de 1 % des créations publicitaires depuis 25 ans.

Changer les perceptions : des leviers identifiés

80 % des répondants interrogés par l’IFOP estiment que côtoyer une personne en situation de handicap au travail, à l’école ou dans des loisirs serait le moyen le plus efficace de briser les préjugés. D’autres leviers incluent :

  • Une représentation accrue dans les médias (56 %),
  • Des événements mobilisateurs comme les Jeux paralympiques (40 %),
  • Des œuvres inspirantes (livres, films) (25 %).

Malgré les préjugés persistants, les personnes handicapées sont perçues comme des sources d’enrichissement :

  • 52 % des sondés estiment qu’elles rappellent la fragilité humaine,
  • 34 % les considèrent comme des vecteurs de solidarité,
  • 33 % les voient comme des modèles d’inspiration.

 

Si la situation en France est préoccupante, des signaux positifs existent, notamment la reconnaissance croissante des compétences des travailleurs handicapés. Mais pour avancer, une mobilisation collective est nécessaire : des politiques publiques ambitieuses, des entreprises engagées, et une représentation renforcée dans les médias et la culture.

 

Les entreprises pour la Cité

(Sources : Études Ifop pour Ombres & Lumière, novembre 2024, et Odoxa pour la fondation Ahadi, février 2024)

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