Le succès des Jeux paralympiques et l’engouement pour le film français « Un petit truc en plus », qui a attiré 10 millions de spectateurs, ont contribué à changer positivement notre regard sur le handicap cet été. Cependant, dans le monde de l’entreprise, des progrès importants restent à accomplir. Bien que la situation se soit améliorée, comme le montre la baisse significative du taux de chômage des personnes handicapées entre 2015 et 2022 (passant de 17 % à 12 %, selon la DARES), ce taux demeure 17 fois plus élevé que la moyenne nationale.
En Europe, on recense 87 millions de personnes en situation de handicap âgées de 16 à 64 ans, (18 % de la population européenne), dont 51 % occupent un emploi. En comparaison, la France accuse un certain retard avec seulement 38 % de personnes reconnues handicapées en emploi.
De ce fait, l’inclusion des personnes en situation de handicap en entreprise est un sujet d’importance croissante dans le cadre des politiques RSE.
Malgré des progrès, la réalité sur le terrain reste complexe.
Le taux d’emploi des personnes handicapées dans le secteur privé français n’est que de 3,1 %, bien en deçà de l’objectif légal de 6 % imposé par la loi de 2005.
En 2023, 111 000 entreprises étaient soumises à l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés, une hausse de 19 %, mais 31 % d’entre elles n’employaient aucun travailleur handicapé, et seulement 29 % atteignaient l’objectif légal de 6 %. Les données de l’Agefiph révèlent qu’il est également plus difficile pour les personnes en situation de handicap d’accéder à des postes de cadre : seulement 11 % d’entre elles, soit environ 130 000, occupent ce type de poste, contre 22 % dans l’ensemble de la population salariée.
Un rapport de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), publié en août 2024, déplore de son côté que les personnes handicapées connaissent des taux de chômage plus élevés, des revenus plus faibles et une tendance à l’auto-emploi.
Si une personne handicapée sur deux n’est pas intégrée à la population active, cela s’explique par de nombreux freins, notamment liés à la mobilité et à l’accès aux lieux de travail. Cependant, le principal obstacle reste la prise de conscience insuffisante des directions d’entreprises quant à l’importance de l’accessibilité, ainsi que l’intérêt qu’elles accordent à ces politiques. Pourtant, la mise en place de mesures d’accessibilité, au-delà de l’accueil des personnes handicapées, a un impact positif sur l’ensemble des collaborateurs. Elle contribue également à une meilleure sensibilisation de l’ensemble des salariés.
Le développement de l’emploi en milieu ordinaire favorise aujourd’hui les politiques de compensation individuelle, centrées sur l’aménagement du poste de travail pour les personnes handicapées. Toutefois, cette approche semble se faire au détriment d’une accessibilité universelle, qui engloberait l’ensemble des bâtiments, outils informatiques et organisations.
Au cours des dix dernières années, des progrès significatifs ont été réalisés en faveur des personnes en situation de handicap physique et sensoriel. Cependant, les avancées en matière de handicap psychique et de déficience intellectuelle demeurent limitées, sans doute en raison d’une connaissance insuffisante des besoins spécifiques à ces types de handicaps.
L’enjeu reste donc de taille : assurer une meilleure inclusion, non seulement par des aménagements ponctuels, mais en favorisant une accessibilité universelle et globale, au bénéfice de tous, car l’absence de politiques d’accompagnement adaptées et un manque de sensibilisation contribuent à l’exclusion des personnes handicapées dans le milieu professionnel.
La diversité des talents favorise la créativité et l’innovation
Pourtant, une fois en poste, 90 % des salariés handicapés se disent bien intégrés dans leur entreprise, et 72 % sont satisfaits de leur emploi.
De nombreux exemples démontrent que les personnes en situation de handicap peuvent apporter une contribution précieuse. Les athlètes paralympiques, par exemple, incarnent la sublimation de la différence.
L’ouverture des entreprises au handicap leur permet de bénéficier de compétences diversifiées et recherchées. La diversité des talents favorise la créativité et l’innovation, augmentant ainsi les performances, comme l’indique une enquête mondiale de McKinsey. Selon cette étude, les entreprises qui intègrent la diversité ont 35 % plus de chances de dépasser la médiane en termes de rendement financier. Par ailleurs, France Stratégie souligne que réduire les inégalités, notamment depuis l’école, pourrait générer une croissance de 3 à 14 points du PIB.
Des initiatives à suivre
Des initiatives comme celle de Café Joyeux, qui emploie des personnes atteintes de trisomie 21 ou de troubles du spectre autistique, illustrent le potentiel d’une inclusion réussie. Fondée en 2017 à Rennes, la chaîne compte aujourd’hui 24 restaurants, dont un sur les Champs-Élysées. Une étude menée par le laboratoire E&MIS montre que 92 % des clients ont pris conscience des capacités des personnes en situation de handicap, tandis que 91 % des employés “joyeux” se sentent rassurés quant à leur insertion professionnelle future.
Les établissements et services d’aide par le travail (ESAT) constituent également un modèle inspirant, comme le souligne la philosophe Gabrielle Halpern. Avec 1 450 ESAT en France, ces structures offrent aux personnes handicapées un environnement de travail protégé tout en jouant un rôle de laboratoire pour des pratiques innovantes à diffuser dans tous types d’entreprises. Elles permettent de développer le goût du travail bien fait et de renforcer la capacité d’hospitalité des organisations.
Intégrer des personnes en situation de handicap représente aussi un antidote au “clonage” dans les recrutements. Leurs parcours différents apportent une richesse essentielle aux entreprises. Andrew Parsons, président du Comité international paralympique, résume cet enjeu : “Nous avons tous la responsabilité collective de profiter de l’élan des Jeux paralympiques pour rendre ce monde plus inclusif. Nous devons permettre aux personnes en situation de handicap d’exceller au-delà des terrains de jeu.”