Le nouvel Indice d’Égalité de Genre 2024, publié par l’Institut Européen pour l’Égalité de Genre (EIGE), offre une photographie contrastée de la situation dans l’Union européenne. Si l’égalité entre les femmes et les hommes progresse lentement à l’échelle du continent, les écarts entre États membres restent criants. À l’heure où la parité est brandie comme une priorité politique, l’Europe peine encore à la traduire en réalité homogène.
Une progression timide, des écarts persistants
Avec un score de 71 sur 100, l’égalité femmes hommes en Europe progresse mais à un rythme modeste. Depuis 2010, l’amélioration n’a gagné que 7,9 points, et l’année 2024 n’a apporté qu’un gain de 0,8 point. La promesse d’une réelle égalité reste encore hors de portée.
En tête du classement, la Suède se distingue avec 82 points, suivie du Danemark et des Pays-Bas (78,8 points chacun), de l’Espagne (76,7) et de la France (76,1). À l’autre extrémité, la Roumanie ferme la marche avec seulement 57,5 points, juste derrière la Hongrie (57,8) et la Grèce (59,3).
Les champions de la progression sont l’Italie (+15,9 points depuis 2010), Malte (+15,7) et le Portugal (+14,9), qui rattrapent leur retard à grands pas. Sur la seule période 2023-2024, Malte (+2,3), la Tchéquie (+2) et la Lituanie (+1,7) enregistrent les plus fortes hausses.
Mais tous les pays ne suivent pas cette dynamique. La Suède, bien qu’en tête, recule légèrement (–0,2 point), tout comme la Bulgarie (–0,6) et la Croatie (–1 point), où la représentation des femmes en politique a reculé.
L’EIGE distingue quatre grandes dynamiques nationales :
- Les pays en rattrapage rapide : Italie, Malte, Portugal, Lituanie, Chypre, Grèce, Bulgarie
- Les bons élèves en ralentissement : Suède, Finlande, Danemark, Belgique, France
- Les pays moteurs : Espagne, Allemagne, Luxembourg, Autriche – à la fois au-dessus de la moyenne et en forte progression
- Les États en stagnation : Hongrie, Pologne, Slovaquie, Tchéquie, Lettonie avec des scores bas et une évolution lente
Parmi les domaines étudiés (emploi, revenus, éducation, pouvoir/instances dirigeantes, accès aux soins/santé ), le domaine du pouvoir est celui qui a connu la plus forte progression (+19,5 points depuis 2010) : quotas législatifs et initiatives pour favoriser la parité dans les conseils d’administration et en politique commencent à produire des effets.
Mais les avancées ne sont pas linéaires. En Croatie, Bulgarie, Slovaquie, Chypre et Estonie, la représentation féminine dans les instances de décision a reculé.
Aux élections européennes de 2024, la part des femmes élues a reculé à 39 %, brisant une dynamique ascendante. La représentation féminine dans les différents parlements plafonne à 33 %. Le risque est clair : sans politiques ambitieuses et vigilance continue, les acquis peuvent rapidement être remis en cause.
Emploi, revenus, santé : des inégalités persistantes
Le travail / l’employabilité (score UE : 74,2) reste un domaine d’inégalités tenaces. L’écart d’emploi est particulièrement marqué chez les couples avec enfants : 26 points de différence entre hommes et femmes. Les inégalités de partage des tâches domestiques restent profondément ancrées dans les sociétés européennes qui entrave l’émancipation économique des femmes.
En matière d’employabilité, l’Italie, la Grèce et la Roumanie affichent les plus faibles scores.
Côté revenus, l’UE obtient 83,4 points, l’autonomie économique des femmes avance peu à peu mais les écarts salariaux se creusent pour les femmes les plus diplômées, les plus âgées, et celles qui ont des charges familiales. La Suède et l’Irlande reculent dans ce domaine, soulignant la persistance d’écart même dans les pays en tête du classement en ce qui concerne l’égalité de genre.
À long terme, la précarité frappe durement les femmes retraitées partout en Europe: près d’une femme sur quatre de plus de 65 ans vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté.
Quant à la santé, les progrès sont particulièrement faibles (+1,8 point depuis 2010). Si les femmes vivent plus longtemps, leur état de santé déclaré est souvent plus dégradé que celui des hommes, notamment parmi les populations vulnérables — femmes âgées, en situation de handicap, ou issues des minorités ethniques et LGBTQI.
Dans l’enseignement supérieur, les femmes sont plus nombreuses à obtenir un diplôme, mais la ségrégation par filière perdure. Les disciplines scientifiques et technologiques restent majoritairement occupées par les hommes, freinant les perspectives d’égalité réelle sur le marché du travail.
Partage du temps : l’inégalité invisible
Le partage du temps reste un marqueur puissant des inégalités de genre. Les femmes consacrent toujours davantage de temps aux tâches domestiques et aux soins non rémunérés, au détriment de leur participation aux activités culturelles, sportives ou sociales.
Quant au sport, souvent présenté comme un levier d’émancipation, ce dernier reste pour de nombreuses femmes, notamment les plus vulnérables, un espace d’exposition accrue aux violences et discriminations.
Le rapport du EIGE est formel : malgré des avancées, les défis structurels restent majeurs. Les crises climatiques, numériques, géopolitiques et démographiques risquent d’accentuer les inégalités si les politiques publiques ne prennent pas pleinement en compte la dimension de genre.
L’égalité de genre doit devenir une priorité transversale de toutes les politiques. Sans actions volontaristes et soutenues, les progrès pourraient s’éroder, laissant place à un recul préoccupant dans un contexte mondial instable.
Les meilleurs élèves de l'égalité de genre en Europe
Classement général
- Suède : 82,0 points
- Danemark : 78,8 points
- Pays-Bas : 78,8 points
- Espagne : 76,7 points
- France : 76,1 points
Travail/ emploi
- Suède : 85,0 points
- Pays-Bas : 84,5 points
- Danemark : 83,8 points
Ressources financières (revenus, patrimoine)
- Luxembourg : 94,9 points
- Belgique : 91,8 points
- Autriche : 90,9 points
Éducation
- Finlande : 86,2 points
- Suède : 84,7 points
- Danemark : 83,9 points
Temps (répartition des tâches domestiques)
- Suède : 89,2 points
- Finlande : 87,1 points
- Danemark : 86,4 points
Pouvoir (participation politique et économique)
- France : 82,6 points
- Suède : 81,1 points
- Belgique : 79,3 points
Accès aux soins
- Suède : 93,9 points
- Pays-Bas : 93,5 points
- Belgique : 93,0 points
Les pays les plus en retard sur la parité en 2024
Classement général (score global toutes dimensions confondues)
- Roumanie : 57,5 points
- Hongrie : 57,8 points
- Grèce : 59,3 points
- Slovaquie : 61,0 points
- Croatie : 61,6 points
Travail/ Emploi
- Italie : 65,5 points
- Grèce : 67,8 points
- Roumanie : 68,1 points
Ressources financières (revenus, patrimoine)
- Lettonie : 71,4 points
- Estonie : 72,8 points
- Lituanie : 73,7 points
Éducation
- Roumanie : 46,6 points
- Bulgarie : 49,3 points
- Grèce : 52,9 points
Temps (répartition des tâches domestiques)
- Grèce : 48,9 points
- Roumanie : 51,8 points
- Italie : 53,5 points
Pouvoir (participation politique et économique)
- Hongrie : 37,6 points
- Roumanie : 39,2 points
- Chypre : 41,0 points
Santé
- Bulgarie : 78,8 points
- Roumanie : 79,1 points
- Lettonie : 79,3 points
Source
GENDER EQUALITY INDEX 2024